Le Cabaret de Licques, créé en 2017, est devenu au fil de son évolution le plus grand cabaret des Hauts-de-France. Sous l’impulsion de Guillaume Cocquerel, son fondateur, ce lieu emblématique s’est imposé comme un acteur majeur du spectacle vivant. Dans cet entretien exclusif, il revient sur son parcours, les défis qu’il a relevés et les secrets de sa réussite en tant qu’entrepreneur de spectacle. Il nous dévoile également l’importance de la licence entrepreneur de spectacle, un véritable sésame pour structurer et professionnaliser ce métier passionnant.
Du rêve au succès, un entrepreneur qui sait nager à contre-courant.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours avant de devenir entrepreneur de spectacle ?
Mon parcours est celui d’un bosseur, quelqu’un qui croit que le travail et la persévérance ouvrent toutes les portes, même celles que beaucoup pensent fermées.
Après le collège, j’ai décidé de m’orienter vers un CAP Cuisine, malgré les réticences de mon entourage. J’ai poursuivi avec un Bac Pro, puis j’ai travaillé dans différents établissements en Savoie, à Paris, et même dans de grands hôtels comme le Novotel qui accueillait jusqu’à 1000 couverts. Mais à un moment, j’avais le mal du pays et ce que je faisais ne me plaisait plus, alors j’ai tout quitté pour reprendre mes études et obtenir un BTS en management de restauration au lycée hôtelier du Touquet.
Ça n’a pas été facile, j’étais 20e sur la liste d’attente, mais j’étais déterminé et voulais acquérir des postes à responsabilité. Je n’avais aucune notion des matières enseignées. Je me souviens de ma première interrogation écrite : 4,5/20. Mon professeur de gestion m’a jeté ma copie en disant : « Monsieur Cocquerel, si vous ne travaillez pas, vous n’y arriverez jamais. » Cette phrase m’a piqué au vif. J’ai répondu : « C’est ce qu’on va voir. »
Je m’y suis mis sérieusement et ce nouveau diplôme m’a permis de gravir les échelons dans des grandes chaînes comme Pizza Paï, où je suis devenu directeur adjoint. Mais même là, j’ai rencontré un plafond.
L’histoire d’un lieu au destin inattendu
Qu’est-ce qui a motivé la création du Cabaret de Licques ?
Lorsque ma femme et moi avons décidé de voler de nos propres ailes, nous avons racheté une petite brasserie à Calais. Quand nous avons commencé, nous faisions à peine quatre couverts par jour. À force de travail acharné, en un an et demi, nous sommes passés à 120 couverts par jour. Ce succès nous a permis de revendre le lieu quatre fois son prix d’achat. Forts de cette expérience, nous avons fait un nouveau pari en rachetant un ancien supermarché que nous avons transformé en Restaurant de l’Abbaye. C’est cet endroit qui allait devenir, après beaucoup d’efforts, le Cabaret de Licques.
Qu’est-ce qui vous a inspiré à entrer dans le monde du spectacle ?
Au début, ce que nous avions entrepris ne se développait pas comme nous le souhaitions. Il fallait prendre une décision radicale et se dire : « Je mets les moyens, je me donne à fond pour créer quelque chose qui puisse rayonner. » Ce n’était pas évident de faire ce choix, surtout quand on n’a presque plus de ressources financières. Mais parfois, c’est dans ces moments de doute et de difficulté que naissent les idées les plus audacieuses. J’ai toujours aimé découvrir de nouvelles choses, et c’est ainsi que nous avons commencé à organiser des spectacles transformistes, disco, cabaret ou années 80. De fil en aiguille, ça a pris de l’ampleur et c’est devenu une passion.
Quels sont les plus grands défis que vous avez rencontrés ?
Le principal défi a été de trouver les fonds nécessaires pour poursuivre le projet. Nous avons dû jongler entre gestion de dettes et recherche de trésorerie. Heureusement, la période Covid a paradoxalement été une opportunité, car elle nous a permis de bénéficier d’aides culturelles.
Y a-t-il eu un moment décisif ou une rencontre marquante qui a conduit à la création du Cabaret de Licques ?
Ah oui, complètement. En 2017, j’ai vécu un moment qui a vraiment marqué un tournant dans ma vie.
Sur un coup de poker, on m’a dit : « Vous allez rencontrer une jeune femme et un jeune garçon. » Et, par hasard, c’est exactement ce qui s’est passé.
En novembre 2016, j’ai contacté une dame qui connaissait des danseuses professionnelles. En janvier, elle est venue chez nous avec son mari, Alexis Hazard, un magicien reconnu. Lui, au début, il traînait des pieds, clairement pas motivé pour venir. Mais quand il a commencé à écouter ce que j’avais à dire, son discours a complètement changé. Il m’a dit : « Guillaume, t’inquiètes pas. Ça ne marche peut-être pas pour l’instant, mais moi, je vais faire de la magie, et ça va marcher. »
C’est après cette rencontre qu’on a pris la décision de transformer le restaurant de l’Abbaye en un vrai lieu de divertissement. C’était un moment clé, une rencontre qui a littéralement tout changé pour nous et qui a lancé le Cabaret de Licques.
Les fondamentaux pour devenir entrepreneur du spectacle
Pouvez-vous expliquer ce qu’est la licence entrepreneur de spectacle ?
La licence, c’est un peu le sésame pour devenir un professionnel du spectacle. Il faut savoir qu’il existe trois types de licences d’entrepreneur du spectacle. La licence 1, comme celle que détient le Cabaret de Licques, est dédiée aux lieux de spectacle et permet de produire des spectacles. La licence 2 concerne les producteurs, c’est-à-dire ceux qui créent des spectacles, et la licence 3 est pour les diffuseurs, ceux qui les vendent.
La vraie différence entre un artiste amateur et un artiste professionnel se joue là-dessus. Par exemple, un artiste amateur peut produire jusqu’à six représentations par an, mais pas plus. Pour aller au-delà, il faut absolument disposer de cette licence. Elle est cruciale dans notre domaine parce qu’elle permet de structurer et de développer le spectacle à grande échelle. Sans elle, on reste dans l’amateurisme.
Quelles sont les démarches administratives et juridiques nécessaires pour obtenir la licence d’entrepreneur de spectacle ?
Pour obtenir la licence, il y a quelques étapes importantes. Déjà, il faut avoir un casier judiciaire vierge, c’est une condition de base pour pouvoir prétendre à la formation. Ensuite, il faut suivre une formation spécifique à la sécurité des spectacles, dans un organisme agréé par le ministère de la Culture.
Cette formation dure une semaine. Pour ma part, je l’ai suivie à Boulogne-sur-Mer. À la fin de cette semaine, il y a une validation des acquis, et c’est ça qui permet de décrocher la licence. Une fois cette étape réussie, on est officiellement en mesure d’exercer en tant qu’entrepreneur de spectacle.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent devenir entrepreneur de spectacle ?
C’est un métier qui ne s’improvise pas et on n’arrive pas là par hasard. Cela fait plus de 20 ans que je suis commerçant, et je vois beaucoup de similitudes avec le métier d’entrepreneur du spectacle.
On n’ouvre pas un Music-Hall sans avoir une connaissance solide de tout ce qui touche à la gestion économique, sociale et financière d’une entreprise. Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi connaître le monde du spectacle, avoir une vraie expérience dans ce domaine, et surtout des contacts. C’est un mélange de passion, de travail acharné et de connaissance du terrain.
Les rouages d’un lieu de spectacle qui voit les choses en grand
Comment avez-vous développé votre réseau professionnel dans le monde du spectacle ?
Pour développer mon réseau, j’ai fait travailler des artistes, tout simplement. Je suis aussi allé les voir dans différents lieux, j’ai regardé leurs performances dans d’autres spectacles. C’est aussi une histoire de contacts amicaux. À force de travailler avec un artiste, puis un autre, pour composer un spectacle, on finit par rencontrer de nouvelles personnes. Et puis, ce que vous proposez comme prestation parle pour vous.
C’est vraiment comme ça que le réseau se développe. C’est progressif, ça se fait de fil en aiguille. Au fond, la clé, c’est le relationnel, rien ne remplace ça dans ce milieu.
Comment sélectionnez-vous les artistes pour vos spectacles ?
Il y a plusieurs étapes selon le type d’artiste. Pour les danseuses, on commence par une sélection sur candidature, puis on organise des auditions. Lors de ces auditions, on évalue leur technique de danse, leur profil général, et plusieurs critères spécifiques. On prend en compte beaucoup de détails pour s’assurer qu’elles correspondent à ce que l’on recherche.
Pour les artistes visuels, comme les humoristes ou les performers, c’est un peu différent. Là aussi, on commence par examiner les candidatures, mais tout dépend de la typologie de l’artiste. Par exemple, si on cherche une performance particulière ou un artiste axé sur l’humour, on ajuste nos critères en fonction. Ensuite, on les invite au Cabaret pour une immersion. Cela permet de voir comment ils s’intègrent au spectacle et s’ils peuvent apporter quelque chose d’unique à la revue. C’est une étape clé pour garantir une qualité optimale sur scène.
Quels sont vos objectifs à long terme pour le Cabaret de Licques ?
À long terme, l’objectif est clair : devenir le plus grand Music-Hall international au nord de Paris, voire au nord de l’Europe. On veut créer une revue qui allie l’humour, l’élégance de la danse et les performances de cirque, tout en maintenant un niveau d’excellence sur l’accueil, le service et la cuisine locale. L’idée, c’est toujours d’offrir un repas et un spectacle de qualité, c’est une valeur que l’on défend depuis le début.
À moyen terme, on prévoit d’agrandir le lieu. D’ici deux ans, on veut transformer le cabaret en un véritable lieu de spectacle dans les Hauts-de-France, avec des infrastructures qui permettent d’aller encore plus loin dans ce qu’on propose et d’accueillir plus de public.
L’histoire du Cabaret de Licques est celle d’un pari audacieux, porté par la vision et la persévérance de Guillaume Cocquerel. À travers son parcours, il nous montre que les défis, aussi imposants soient-ils, peuvent devenir des tremplins vers de grandes réussites lorsque le travail, la passion et l’audace sont au rendez-vous.
Le résultat ? Un spectacle unique à découvrir, où chaque détail raconte cette aventure extraordinaire.